Le casse-tête du surfaçage hivernal des sentiers

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Il n’y a pas si longtemps, nous pouvions profiter des longs rubans blancs uniformes qui se déroulaient dans les paysages enneigés. On entendait les pneus crisser sur la neige durcie par le surfaçage réalisé la veille. Cependant, ces sentiers étaient fragiles, car la couche compactée était mince. Les machines utilisées pour déblayer la neige manquaient de puissance et avaient du mal à travailler en profondeur. Au cours des vingt dernières années, l’univers du quad a connu d’importants changements, tant sur le plan climatique que sur le plan de la venue des lourds VCC. Cela a compliqué la tâche en matière d’entretien des sentiers d’hiver.

Deux écoles de pensée : compacter ou déblayer la neige ?

Lors des vingt dernières années, les quads ont pris du volume, du poids et ont même évolué en version côte-à-côte (VCC). Bien qu’ils étaient peu nombreux au début de cette décennie, les registres de la FQCQ nous informent que 50 % des membres conduisent un VCC. Ce fait apporte des conséquences graves pour ceux qui doivent entretenir les sentiers.  En effet, les VCC ne cessent de grossir en termes de masse et de puissance à tel point qu’on en arrive à être aussi lourds qu’une voiture de tourisme! Exagéré? À peine! Comparons par exemple le Kawasaki KRX 1000 et une Geo Metro 1996. 

Le premier fait 68 pouces de large, 860 kg de poids net et il a 112 ch de puissance. Quant à la Geo Metro, qui est homologuée pour rouler sur les routes selon les normes de Transports Canada, elle a une largeur de 62,6 pouces, son poids net donne 831 kg et elle nous offre ses modestes 55 ch. En prenant conscience de ce fait, on peut facilement comprendre que la contrainte exercée sur la surface de neige durcie par la nouvelle génération de quads devient intenable, car le problème des ornières devient omniprésent sur la neige compactée.

L’enlèvement de la neige

Pour répondre à cette nouvelle réalité, de plus en plus d’exploitants de sentiers d’hiver ont abandonné le compactage pour enlever mécaniquement la neige du sentier. Ils opèrent avec une souffleuse à neige ou avec une gratte poussée par une machine puissante. Les sentiers entretenus par enlèvement de la neige situés en milieu boisé auront une surface de roulement beaucoup plus durable et nécessiteront moins de passages de surfaceuse.

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Cependant, cette solution qui semble simple n’est pas universelle. En effet, on ne peut enlever la neige sur les zones et les champs agricoles. Aucun agriculteur ne va accepter que la neige soit enlevée dans les champs. En effet, la terre y sera gelée sur le double de la profondeur de celle protégée par une chape blanche. 

Également, cette méthode est propice aux sentiers en boisés car les tranchées creusées en terrain dégagé seront vulnérables à la moindre poudrerie. On peut constater sur le terrain que la neige poussée par le vent pourra combler le sentier en moins d’une demi-heure. Avec les changements climatiques, les vents sont beaucoup plus présents. Le courant Jay paraît avoir perdu de son tonus et passe sur le territoire plusieurs fois par semaine. Cela entraîne des températures très instables de réchauffement et de temps froid et les forts vents qui en découlent.

Les opérations de soufflage sont beaucoup plus lentes et le club ne peut franchir qu’une fraction de la distance dans le même temps par rapport à la méthode de la neige compactée. Il devra donc songer à abaisser le ratio machine/ kilomètre, ce qui revient à allonger encore plus d’argent pour acquérir des machines.

Le surfaçage par compactage de la neige

Comme beaucoup de sentiers sont situés dans les champs agricoles, la méthode de surfaçage par compaction de la neige est toujours d’actualité et ne risque pas de disparaître. L’augmentation de tailles des quads a aussi obligé les clubs à s’ajuster aux nouvelles réalités et à acquérir des surfaceuses plus puissantes et lourdes. Elles peuvent donc brasser la neige en profondeur et faire une couche de neige durcie plus compacte et épaisse. Ainsi, les sentiers sont aussi endurants qu’il y a 15 ans. Dans les régions où la densité de circulation est faible, les clubs qui ont réussi à obtenir des machines de bonne puissance pour brasser la neige en profondeur lors de surfaçage compacté se tirent d’affaire. La croûte de neige durcie tient le coup. Par contre, lorsque la densité de circulation augmente, le problème des ornières revient et est très difficile à contrôler. 

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Les défis à venir : l’optimisation de la compaction de la neige

Ce n’est pas d’hier qu’on recherche à obtenir des surfaces de neige dures pour supporter des unités de transport. Dès les années 50, l’armée américaine a procédé à des tests et recherches pour obtenir des surfaces planes et dures pour être capable d’y faire atterrir des avions dans les bases en Arctique et au Groenland. Après avoir étudié les propriétés de la neige, les recherches ont démontré que la manière la plus efficace pour compacter la neige est d’utiliser la vibration mécanique. Les recherches ont été faites en comparant les résultats d’une plaque vibrante et d’un rouleau compresseur vibrant. 

Dans le Grand Nord canadien, les routes de glace, conçues pour le transport avec camions lourds, sont construites dès les premières neiges par la compaction avec de gros rouleaux lourds. Le principe est de compacter toute la neige en fines couches qui deviendront de plus en plus résistantes en fonction des passages répétitifs des rouleaux de compaction. Il n’y a pas de rebrassage pour niveler la surface comme on le fait dans les sentiers de quad et de motoneige. Toutefois, pour que cette technique soit efficace, il faut s’abstenir de rouler lors des redoux. Ces contraintes seront difficilement applicables dans le monde du quad.

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Des pistes d’innovation technique ?

Concernant l’application de ces nouvelles méthodes dans les sentiers quad, plusieurs clubs ont déjà utilisé, ou utilisent encore, de lourds rouleaux fabriqués avec des pneus. Ces rouleaux, qui étaient installés à l’arrière du traîneau de surfaçage, constituaient la dernière opération du traitement du sentier. Les résultats étaient probants. De plus, concernant les plaques vibrantes, il existe des plaques qui s’installent derrière les tracteurs agricoles et qui sont actionnées par le système hydraulique. Soumise à la vibration, la neige voit l’air chassé entre les flocons et force une redistribution de l’eau. Cela favorise la cristallisation de la neige et de ce fait, sa densité et sa morphologie s’approchent de celle de la glace. La neige devient de ce fait plus dure et résistante.

Cela semble prometteur, mais devra être confirmé par des essais sur le terrain.

L’obligation de s’adapter

À la lecture de ce texte, vous pouvez comprendre la réalité en ce qui concerne l’entretien des sentiers VTT au Québec, qui est reconnu comme le fleuron mondial du quad. Les exploitants des clubs de la FQCQ, comme toutes les sphères d’activité de la société, doivent s’adapter aux changements de leur environnement. On parle ici des changements du type de véhicules des usagers, certes, mais aussi des changements climatiques et économiques. Ces derniers nécessitent de faire des choix judicieux pour la sélection de la machinerie en fonction de moyens financiers limités. 

Il y a un urgent besoin de trouver une solution technique pour rendre les sentiers hivernaux assez durables pour répondre aux besoins et réalités d’aujourd’hui. La communauté quad a toujours su innover dans le passé et réussira encore, si l’on lui en donne les moyens. 

Texte: Rock St-Pierre

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