Le bruit et l’acceptabilité sociale

Lorsqu’on parle des atteintes environnementales des quads, on pense d’abord aux émanations polluantes qui s’additionnent au bilan des gaz à effet de serre. Mais un effet qui a davantage d’impact immédiat pour la communauté des quadistes est le bruit. Oui, on parle des bruits du moteur, mais aussi des bruits de la transmission et des pneus qui fouettent le sol lorsque la vitesse est élevée. En effet, de tous les véhicules récréatifs motorisés terrestres, les quads sont parmi les plus bruyants.

De plus, les fabricants, en recherche de la meilleure performance au meilleur coût de revient, ne démontrent pas une grande priorité à museler leurs créations. D’ailleurs, celles-ci déploient une puissance très appréciable de 120 à 130 chevaux avec une cylindrée de 1000 cm3 et sans turbo. Avec de tels niveaux de puissance, il faut que la mécanique « respire ». Donc elle doit être entravée le moins possible par les chicanes d’un silencieux. Le but pour la grande majorité des fabricants en ce qui a trait au bruit est de se conformer aux normes de Transports Canada. 

Au fait, quelle est la norme de Transports Canada pour le bruit?

Il faut savoir que les normes de Transports Canada s’appliquent seulement aux véhicules destinés à rouler sur les routes publiques. Donc les quads, motoneiges, VCC, motocross de ce monde ne sont pas touchés par les exigences de la norme fédérale 1106 sur les émissions de bruit. À titre de comparaison, les automobiles sont tenues par la norme fédérale d’émettre un bruit maximal de 80 dB et les motos de 82 dB. En ce qui concerne les VHR, la norme qui semble faire consensus en Amérique du Nord est de 96 dB. C’est à cette norme que les fabricants se soumettent et de leur point de vue, tant qu’elle est respectée, il n’y a pas de problème. Sachant cela, on comprend aisément que le passage d’un quad est pas mal plus dérangeant que le passage d’une automobile ou d’une moto avec les échappements conformes. Une différence de 16 dB semble peu, mais il s’agit d’une échelle logarithmique où chaque incrément de 10 unités double la puissance du son entendu.

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« Les silencieux modifiés apportent des problèmes de bruits »

En gros, 1 dB correspond à la limite de l’audition humaine et 120dB représentent la limite de la douleur.  Voici une échelle d’appréciation des niveaux de bruit :

130 dB : avion à réaction au décollage à une distance de 25 m
120 dB : coup de tonnerre à proximité
110 dB : train passant à proximité
100 dB : Concert Rock typique
90 dB : bruit de circulation intense
80 dB : rue animée, salle de réunion
70 dB : intérieur d’un train en marche
60 dB : conversation courante
50 dB : appartement normal
40 dB : extérieur calme, campagne
30 dB : appartement dans quartier calme
20 dB : extérieur très silencieux
10 dB : studio d’enregistrement
1 dB : seuil d’audibilité

La tolérance sociale au bruit 

Je ne vous apprendrai rien en vous disant que le niveau de tolérance individuelle est à son plus bas historique au Québec. Tous les projets sociaux sont sujets à contestation par un groupuscule ou un autre. Bref, comme l’avait un jour relevé le coloré ex-maire Labeaume, le Québec est géré par des groupuscules qui tirent chacun dans leur direction idéologique. Comme toutes ces directions sont contradictoires, la somme résultante des forces égale à peu près à zéro et on ne bouge à peu près pas. En gros, tout le monde veut du développement au Québec mais personne ne veut avoir un seul inconvénient dans son entourage. On veut des éoliennes parce que ça a la cote du romantisme écologique, mais personne ne les veut dans son champ visuel. « Not in my back yard! » disent ces gens appelés communément NIMBY. 

« Les quads lèvent aussi beaucoup de poussières »

Dans les contrées bucoliques de la campagne québécoise, beaucoup de nouveaux résidants arrivent de la grande ville afin de prendre une retraite paisible méritée après une vie professionnelle trépidante. Habitués aux bruits urbains, ils ne connaissent pas les bruits des VHR qui viennent perturber la tranquillité espérée. Beaucoup décident alors de prendre les moyens nécessaires pour faire cesser ces irritants imprévus. 

Plusieurs NIMBY sont des professionnels qui ont les moyens financiers, qui sont organisés, qui ont toutes les compétences pour mener un combat et surtout, sont déterminés à le mener à bien. Ce gens, armés d’une jurisprudence solide, sont des machines de guerre redoutables qui pourraient faire de graves dégâts dans la toile des sentiers VHR du Québec.

De quelle jurisprudence parle-t-on?

Le premier niveau est le contexte juridique, c’est-à-dire la règlementation qui existe face à une situation, qui est l’émission de bruit dans le cas qui nous intéresse. Au Québec expressément, le Code civil encadre via l’article 976 les inconvénients du bruit excessif sur le voisinage. 

Art 976. Les voisins doivent accepter les inconvénients normaux du voisinage qui n’excèdent pas les limites de la tolérance qu’ils se doivent, suivant la nature ou la situation de leurs fonds, ou suivant les usages locaux.

« Leurs fonds » fait référence aux bruits et odeurs qu’ils peuvent s’attendre à subir en fonction du type de zonage de leur propriété : agricole, résidentiel ou autre.   Le débat juridique a longtemps porté sur les inconvénients normaux du voisinage et la notion de responsabilité selon le Code civil : avec ou sans faute. Pour faire une histoire courte, en 2004, les résidents limitrophes au sentier de la voie ferrée désaffectée du P’tit Train du Nord avaient obtenu en Cour supérieure du Québec un jugement célèbre dans le monde VHR : le jugement Langlois. Ce jugement interdisait la circulation des VHR sur la voie de chemin de fer désaffectée. Le gouvernement avait alors été en appel du jugement, mais en 2008, un jugement de la Cour suprême du Canada dans l’affaire de Ciment St-Laurent à Beauport concernant des nuisances causées à la population par ses activités vient clore définitivement le débat.  Elle a statué que même si Ciment St-Laurent ne faisait pas preuve de négligence dans ses opérations quotidiennes, elle était responsable des nuisances environnementales à son voisinage. 

La nouvelle loi VHR donne de l’oxygène

En d’autres mots, selon le jugement, c’est une responsabilité sans faute et la seule présence d’un sentier qui nuit à des résidents. Cette décision du plus haut tribunal au pays a renforcé le jugement Langlois. L’horizon était très sombre pour les VHR car tout leur réseau pouvait être éliminé sur l’allégation de nuisance causée par la circulation des quads. 

Au gouvernement, après l’édiction de quelques décrets délicats, on a décidé d’adresser la situation via l’article 144 de la nouvelle Loi sur les véhicules hors route. Dans le premier alinéa, on interdit les poursuites pour l’utilisation d’un quad, pour  inconvénients causés par le bruit, les odeurs, tant que le véhicule hors route circule sur un sentier ou tout entre endroit autorisé par le règlement. 

144. Nulle action en justice fondée sur des inconvénients de voisinage ou sur tout autre préjudice lié aux bruits, aux odeurs ou à d’autres contaminants ne peut être intentée pour des faits survenus entre le 16 décembre 2001 et le 31 décembre 2020, lorsque la cause du préjudice allégué est l’utilisation d’un véhicule visé par la présente loi, dès lors que ce véhicule circule aux endroits autorisés par la présente loi ou ses règlements.

L’action en justice peut néanmoins être intentée contre le conducteur ou le propriétaire d’un véhicule hors route lorsque la cause du préjudice est le non-respect d’une disposition de la présente loi ou d’un règlement pris sous son autorité ou lorsque le préjudice résulte d’une faute intentionnelle ou d’une faute lourde commise par ce conducteur ou par ce propriétaire dans l’utilisation de ce véhicule.

Cette interdiction totale ne s’applique que jusqu’au 31 décembre 2020, date de l’entrée en vigueur de la loi. Dès lors, les conducteurs et propriétaires de quads sont poursuivables si un comportement répréhensible qui ne respecte pas l’esprit de la Loi cause un préjudice à un tiers. Cet article est logique et respecte, à mon sens, l’esprit de l’article 976 du Code civil.

Que faire sur le terrain, actuellement?

Il faut prendre conscience que l’esprit de la loi rend imputable le conducteur et le propriétaire de ne pas causer de nuisances excessives au voisinage. En ayant conscience que les quads sont très bruyants, conduisez votre machine avec respect aux abords des habitations. Évitez les régimes de moteur élevés, accélérez doucement des arrêts obligatoires, modérez votre vitesse pour limiter le bruit des pneus et ne pas lever trop de poussières.

Également, ne tolérez pas un autre quadiste qui se comporte en goujat dans les zones habitées. Un seul d’entre eux qui conduit sans sa tête détruira l’impression laissée par 50 quadistes respectueux. Sensibilisez les autres à la nécessité de respecter le voisinage.

« La civilité est de mise près des habitations »

Il faut redorer l’image du quad par l’implication sociale des clubs dans la communauté, le bon comportement des adeptes en sentier et surtout aux abords des habitations, et la publicisation des bons coups qui rapportent à la région. Il faut que l’opinion favorable de la masse de la population puisse faire contrepoids aux NIMBY.

Enfin, les plaintes de la population ne doivent pas être laissées pendantes et les meilleurs ambassadeurs disponibles doivent y répondre dans les plus brefs délais.

Maintenant vous êtes en mesure d’apprécier la situation globale de la problématique du bruit dans toutes les sphères d’activités VHR. Il est essentiel que les quadistes se responsabilisent pour que la pratique du quad continue à améliorer sa réputation et, on l’espère, ait davantage accès aux services dans les villages.

Rock St-Pierre

Chroniqueur

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