La progression des motos hors route

Les motos hors route ont toujours été présentes dans les bois. Dans ma tendre jeunesse, j’ai fait mes premières armes sur véhicule hors route avec une vieille Honda Trail ST-90 qui avait connu des jours bien meilleurs, mais qui m’avait toujours ramené à bon port lors de mes excursions. Il m’arrive encore d’y penser avec nostalgie, regrettant la flexibilité de pouvoir rouler sur les routes publiques entre les trails intéressantes. Mais rouler en sentier procure un plaisir incroyable avec une moto adaptée.

Les amateurs de moto double usagefrappent à la porte depuis des années et la situation évolue lentement, mais inexorablement. En fait, que sont les motos hors route telles que définies à la Loi sur les véhicules hors route? 

Quelles sont les motos acceptées? 

Bien que peu le savent, toutes les motos hors route se trouvent incluses dans la Loi sur les véhicules hors route : motocross, trial, enduro, double usage(route et hors route). Tel que le décrit l’article 1 de la loi, ce sont des véhicules munis d’un guidon et d’au moins deux roues, qui peuvent être enfourchés et dont la masse nette n’excède pas 600kilogrammes. Or, toutes les motos hors route ne sont pas acceptées dans les sentiers fédérés. Seules les  motos enduroet double usagey sont admises. Les motocross et trials doivent rouler dans des endroits réservés à cette fin, par exemple, des parcs fermés.

Quelle est la différence entre ces motos? Les motocross sont des machines conçues pour la compétition de piste en circuit fermé au moteur pointu (qui révolutionne à haut régime pour délivrer sa puissance), avec des rapports de transmission très courts, dépourvues de tout phare, feu, rétroviseur, cinémomètre et silencieux. C’est donc dire que leur niveau sonore exaspère grandement la population. La moto enduro leur ressemble physiquement, mais l’usage prévu de randonnée en sentier amène les fabricants à les équiper différemment : transmission aux ratios plus longs, roue d’inertie du moteur plus lourde, suspension plus souple, phare à l’avant, feu de freinage et de position rouge à l’arrière, présence de cinémomètre, de rétroviseuret de silencieux et quelquefois d’un réservoir de carburant plus grand. Elle ne peut cependant emprunter le chemin public. En haut de l’échelle vient la moto double usage. Des plus modestes japonaises Suzuki V Strom en passant par les KTM, pour finir par les célèbres machines comme les BMW 1250 GS, celles-ci sont équipées de tous les attributs requis par les normes de Transports Canada pour rouler sur la route. Certaines sont même des routières de haut niveau qui peuvent avaler l’asphalte sans fatiguer son pilote.

L’eau a coulé sous les ponts depuis 2013 alors que la Fédération québécoise des motos hors route (FQMHR) lançait ses programmes de subvention de soutien pour les clubs qui acceptaient les motos dans leurs sentiers. 

Où sont acceptées les motos enduroen 2019?

Alors que les motos hors route étaient acceptées dans les sentiers d’une trentaine de clubs quad en 2013 et 42 en 2016, on compte maintenant 48 clubs qui les acceptent en 2019. Un gain de six clubs en trois ans peut sembler très peu, mais il faut comprendre que les gains ont lieu dans les endroits urbanisés où les clubs prennent un risque qui peut s’avérer lourd de conséquences. 

Que la perception de ce risque corresponde à la réalité ou non, la grande crainte des clubs est de perdre les droits de passage durement acquis pour faire passer les sentiers. En 2013, André Blouin, le président du club quad de la Matapédia, un des clubs les plus acceptés dans sa communauté, disait ceci : « Les droits de passage sont la fondation d’un club quad. Notre club a 600 km de sentiers et pas un pied ne lui appartient.  La perception des motos est mauvaise chez les propriétaires. Un rapide sondage parmi une dizaine de nos propriétaires les plus ouverts nous a démontré un refus catégorique de 80 % ». Ceci démontre l’ampleur de la situation et de la raison de la prudence extrême des exploitants de clubs quad avant d’accepter les motos sur leurs sentiers. D’autant plus que le comportement de certains motoneigistes qui saccagent les lots privés avec leurs motoneiges de montagne ne fait rien pour calmer le débat ces temps-ci. 

En consultant la localisation des sentiers sur la carte des clubs qui acceptent les motos hors route disponible sur l’application Quadgen, nous pouvons constater qu’ils occupent le haut de la carte du Québec, de l’Abitibi jusqu’à la Côte-Nord en passant par la majorité du Saguenay–Lac St-Jean. On peut y rajouter une bonne partie de la Gaspésie et les Îles-de-la-Madeleine. Ce qui frappe en regardant la carte, c’est que les motos endurosont couramment acceptées dans les régions situées en terres publiques, mais dès qu’on approche des grandes agglomérations et des zones urbanisées, elles en sont absentes. On observe cependant des percées dans le Bas-Saint-Laurent, plus précisément à Rimouski et dans Bellechasse, dans le coin de Saint-Pamphile. 

En comparant la carte de 2016 avec celle de 2019, on constate que la percée dans Bellechasse s’est étendue dans le secteur. Très récemment, le club quad Iroquois a décidé d’ouvrir ses sentiers aux motos hors routeafin de permettre l’inter-connectivité avec les clubs avoisinants. Nos sources bien informées nous disent que d’autres clubs dans d’autres régions pensent ouvrir leurs sentiers dans un proche avenir. 

Peut-être y a-t-il contamination par les clubs limitrophes qui acceptent les motos et qui n’ont finalement aucun problème avec le comportement des usagers. D’ailleurs, aucun des clubs qui se sont affiliés à la FQMHR dans le passé ne s’est désaffilié en raison des désagréments causés par les motos hors route.Cela se comprend facilement quand on considère qu’une bonne partie des motos hors route sont desmotos double usagedûment immatriculées pour aller sur la route. Alors il est facile de contourner les endroits litigieux en empruntant le réseau de chemins publics pourentrer dans les villages afin d’y quérir ravitaillement et hébergement. Il y a donc possibilité pour des randonneurs de parcourir de grandes distances dans les bois et de revenir dans la civilisation par les routes pavées en toute légalité. Voilà une réalité qui aide à changer la perception des motos hors route dans l’esprit des gens et à faire progresser l’inclusion de la FQMHR dans les clubs fédérés de la FQCQ. 

Toutefois, l’augmentation de popularité des motos hors route commence à mettre en lumière une iniquité entre celles-ci et les quads en général.

La FQMHR et la FQCQ

Les motos hors route sont régies par la FQMHR, une entité distincte de la FQCQ. Elle est libre de fixer le prix qu’elle veut pour les droits d’accès en sentier pour le réseau fédéré de la FQCQ. Comment peuvent-elles avoir accès au réseau en payant seulement 60 % du prix que les quads doivent débourser?

En fait il faut comprendre que les motos ne roulent pas sur les sentiers de la FQCQ, mais de l’un des 117 clubs quad membres de la FQCQ. Ce sont les clubs qui s’affilient à la FQMHR pour accepter les motos de sentier. Tout comme la FQCQ, la FQMHR émet ses vignettes qui se vendent un prix qui oscille autour de 125 $. Les clubs sont doncaffiliés à deux fédérations distinctes et la FQCQ ne peut rien y faire.

Les quadistes peuvent ainsi demander légitimement pour quelle raison ils doivent payer près du double pour profiter du même accès aux sentiers que les motos. Ce sont les clubs qui doivent supporter la pression d’expliquer l’application de tarifs différents pour un usage semblable. Dans le monde de la FQCQ, ce sont les clubs qui fixent le prix du droit d’accès. Dans celui de la FQMRH, c’est la Fédération qui le fait. Il y a quelque chose qui cloche et la FQCQ devra se pencher sur ce problème.

La terre est lente mais le bœuf est patient

La solution évolue pour les motos hors route, mais il faut laisser le temps faire les choses. Questionné de nouveau en 2016, André Blouin déclarait : « On est conscients que ça marche bien avec les motos dans d’autres régions, mais les sentiers se trouvent sur les terres publiques. On a d’ailleurs aidé des motos à passer dans le coin, mais leurs sentiers restent loin sur les terres de la Couronne. En fait, la vitesse de l’évolution du dossier des motos se voit limitée par l’acceptation des propriétaires de lots, pas celle des clubs qui résistent aux motos. » Cela démontre une évolution de la perception des responsables de clubs. En constatant l’élargissement de l’acceptation des motos en zones urbanisées, lente mais en constante progression, on pourra voir les motos acceptées partout au Québec.

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