Lors du Jamboree 2023 de la FQCQ tenu à Saint-Octave-de-l’Avenir, les organisateurs ont eu la bonne idée d’offrir trois randonnées aux participants. La randonnée vers la montagne qui se rendait à l’Étang à la truite sur la réserve Matane, la randonnée vers la mer qui culminait vers le phare historique de la Martre et une randonnée dite technique qui arpentait les sentiers plus difficiles du coin. Cette dernière est une idée intéressante et novatrice dans les circonstances d’une activité fédérée.
La norme recherchée pour les nouveaux sentiers

Beaucoup de conducteurs de quad, tant de type autoquad que motoquad, aiment les sentiers gravelés avec une surface de roulement homogène. Tant que les panoramas intéressants et la signalisation adéquate sont présents, tout est parfait. C’est le standard de sentier que la FQCQ cherche à implanter sur son réseau car c’est conforme à la demande de la majorité.
Les clubs se retrouvent un peu coincés dans l’élaboration des nouveaux tronçons. En plus des préférences de la majorité, ils doivent composer avec les normes gouvernementales qui s’appliquent. Les normes environnementales exigent un drainage adéquat pour éviter une contamination des cours d’eau par des sédiments dans l’eau de ruissellement. Évidemment, tout ce qui implique de s’approcher d’un milieu hydrique ou humide est formellement proscrit. Les normes de sécurité de la géométrie routière des sentiers sont également impactées par la recherche de sécurité dans la circulation des VHR. Courbes amoindries, pentes redressées et surtout, la largeur de chaussée requise qui est devenue impressionnante. En effet, pour faire rencontrer deux autoquads en toute quiétude, il faut prévoir une largeur de 16 pieds minimalement. Avec les emprises nécessaires pour aménager talus et fossés de drainage, on devra déboiser jusqu’à 30 pieds de large. Dans ces conditions, il est difficile de conserver un sentier ombragé dans un sous-bois. Donc, dans des sentiers de condition optimale, les quatre roues motrices ne seront pas utilisées sauf dans l’ascension d’une côte tapissée de roches tranchantes. On cherchera à préserver les pneus en faisant travailler le système 4×4 pour éviter le patinage et la crevaison.
La recherche de la reconnaissance touristique de l’activité quad

Avec l’amélioration du confort et des capacités de se déplacer rapidement des quads, le comportement des randonneurs change doucement mais irrémédiablement vers la recherche d’itinéraires plus rapides. On veut aller plus loin, sortir de son canton. Les quadistes font des randonnées qui s’étirent sur plusieurs jours et doivent atteindre la prochaine auberge durant la journée. On assiste à la naissance du tourisme en quad. La FQCQ n’est pas insensible à cette réalité qui existe depuis déjà quelques années. Elle travaille à obtenir la reconnaissance gouvernementale que le quad est une activité touristique au Québec.
Pour ce faire, les sentiers doivent ainsi pouvoir supporter le déplacement plus rapide des quads. Les tracés adoptent donc les chemins forestiers bien dégagés, les bulldozers et excavatrices aplanissent les accidents de terrain, redressent les courbes jugées trop raides. Des concasseurs sont mis à l’œuvre afin d’adoucir les sentiers rocailleux. Raffinement suprême, les niveleuses apparaissent dans les sentiers afin d’éliminer tout nid de poule ou de roulière et passent même de deux à trois fois par semaine durant l’été dans certains secteurs. Le corollaire est que le passage répété des niveleuses empêche la formation d’un couvert végétal qui gardera la poussière au sol. À moins d’une journée pluvieuse, un groupe de quads en déplacement soulèvera énormément de poussière. C’est un irritant majeur et parfois un enjeu de sécurité à cause de la visibilité qui se réduit soudainement.
Je conviens que c’est un prix à payer pour assurer une vitesse de transit nécessaire pour rallier les villes dans le cadre du quad-tourisme. Mais peut-être qu’on est obnubilé par les sentiers all-dressed et qu’on oublie l’essence même de rouler en VTT.
La randonnée technique là-dedans?

On y arrive. J’ai aimé l’idée du comité organisateur d’offrir ce type de randonnée aux participants du Jamboree. La randonnée était qualifiée de technique mais il n’y avait rien de dangereux. Pas de passages escarpés, pas de négociations d’obstacles à 45 degrés, mais un contact plus étroit avec les éléments qui composent la forêt sauvage.
Des sentiers étroits, avec une surface de roulement de sol organique boueux laissant les racines des arbres à nu par endroits ou encore de grosses roches à demi enfouies dans le sol. Les longues flaques d’eau profondes sont aussi présentes. Le bonheur! En plus d’avoir le plaisir de laisser travailler le quad sur le genre de terrain pour lequel il est conçu, on a le plaisir des yeux de rouler dans une forêt ancienne avec des arbres de taille respectable. L’air est chargé d’humidité et on sent l’odeur de la terre mouillée ainsi que des effluves de résineux que les arbres laissent s’échapper dans l’air. C’est une autre expérience que les larges sentiers gravelés et nivelés!
C’est le bonheur de rouler sur un chemin couvert d’herbe parsemé de flaques d’eau ici et là. L’odeur fraîche de l’herbe humide nous montait aux narines exacerbant de manière plus qu’agréable un sens de plus. Plus loin, on escaladait à vitesse réduite un cran de roc, on se frayait un passage à travers les crevasses d’une côte ravinées par les pluies diluviennes et, bonheur intense, on mettait à l’épreuve notre système 4×4 dans le trou de boue qui s’était dévoilé au détour d’une courbe. On avait la satisfaction d’utiliser le potentiel baroudeur de notre véhicule. On se faufilait aussi dans un sentier étroit, à peine plus large qu’un quad. Peu importe si le soleil avait cuit la contrée durant la dernière quinzaine, la poussière y était inconnue, étant retenue par le couvert végétal. La fréquentation de ces petits joyaux de sentiers forestiers est devenue un plaisir rare dans le réseau des sentiers fédérés au Québec.
Quel est l’avenir des sentiers sauvages?

Aujourd’hui, pour les raisons évoquées plus haut, la construction de sentiers fait l’objet de normes analogues à celles de la voirie forestière. Si on veut être reconnus comme activité touristique et aussi bénéficier de programmes de subventions pour construire un sentier, ce sera bien difficile d’en déroger. Nonobstant ce fait, il faut à mon avis préserver le caractère rustique des sentiers de façon à maintenir le côté champêtre des randonnées accessible. Le profil des quadistes n’est pas uniquement celui de randonneur longue distance. Il y a encore beaucoup d’explorateurs qui aiment exploiter les capacités de franchissement des quads, mais qui sont laissés dans l’ombre dans l’offre actuelle de la FQCQ.
On parle depuis quelque temps d’une révision de la politique de la FQCQ pour la classification des sentiers. Larges et bien dégagés et nivelés pour les voies de transit inter-régions (Trans-Québec) et plus étroits, champêtres pour les sentiers sauvages. À première vue, ça pourrait avoir du sens, à condition que la signalisation des sentiers de bon niveau y soit toujours présente pour indiquer les dangers et les directions aux intersections.
Et vous, qu’en pensez-vous?
Rock St-Pierre, Chroniqueur
